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Parité : faut-il vraiment l’imposer ?

Gender equality in Higher education
La loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, adoptée le 4 août 2014, vise à combattre les inégalités dans les sphères privée, professionnelle et publique.

La parité ne va pas de soi et le sujet fait débat. Au sein de l’enseignement supérieur et la recherche, les mesures exigées sur la parité sont-elles les moyens les plus adéquats pour obtenir une véritable égalité ? Les avis sont partagés. Des femmes, anciennes élèves ou enseignantes-chercheuses à l’ENS, témoignent.

Veiller à la représentativité des artistes femmes

Christine Maigne, professeure à l’Ensaama Olivier de Serres et artiste plasticienne, est soucieuse d’une meilleure représentativité des femmes dans son milieu  professionnel.
« On pourrait penser que dans le milieu artistique les discriminations sont moins présentes que dans les milieux professionnels plus formatés, mais elles existent pourtant de façon plus insidieuse. Lorsqu’on fait des études sur les proportions femmes hommes dans les expositions importantes, musées ou collections, on constate une nette sous-représentation des femmes. Je participe à un groupe de réflexion d’artistes femmes où nous abordons ces questions ».

Le fait d’imposer une parité dans les grandes expositions ou au moins de veiller à une représentativité plus forte des femmes est susceptible faire évoluer les mentalités. Les grandes institutions tentent parfois des actions ponctuelles pour rééquilibrer, comme l’accrochage des collections du Centre Pompidou entièrement dédié à des artistes femmes (« Elles », 2009, commissariat Camille Morineau). Le MOMA fera de même en 2010 avec « Modern Women : Women Artists at The MOMA ».

Mais la Tate Modern de Londres a une démarche bien plus exemplaire à ce titre car là c’est une politique permanente qui s’impose grâce à l’actuelle directrice Frances Morris qui a mené sur des années un travail important de valorisation des artistes femmes dans les collections."

Quand les politiques paritaires sont contre-productives

Elise Lorenceau, Directrice de recherche CNRS au LIPhy, doute quant à elle de l’effet de certaines mesures de la loi pour l’égalité :
« Bien souvent, ce ne sont pas les acteurs de la communauté scientifique qui instaurent les inégalités homme-femme mais plutôt les instances administratives et les politiques. Par exemple, exiger la parité dans des jurys d’instance administrative ou scientifique (comme les jurys de thèse ou les jurys de sélection) alors que les femmes sont sous-représentées est contre-productif. Les femmes se trouvent alors sur-sollicitées, ce qui est dommageable à plusieurs titres.

Tout d’abord, elles ont moins de temps pour faire de la recherche que leurs collègues masculins car siéger dans ce type d’instance peut prendre beaucoup de temps. Ensuite, comme elles ne sont pas sélectionnées sur des critères de compétence dans un domaine de recherche mais sur des critères de genre, elles peuvent se retrouver moins qualifiées que leurs homologues masculins sur les sujets discutés ce qui est très préjudiciable pour la communauté scientifique féminine !»

Patricia Bouyer-Decitre, Directrice de recherche au CNRS et Directrice adjointe du LSV, ENS Paris-Saclay, partage cette opinion.
« Un point qui me pèse de plus en plus est la parité incitée par la loi dans l'ensemble des comités que l'on doit former.  Dans ma discipline (l'informatique), c'est complètement irréaliste.

En effet, les chiffres du CNU indiquent 24% de femmes chez les enseignants-chercheurs, et moins de 20% pour les professeurs d'université ; les chiffres sont similaires au CNRS. De ce fait, la surcharge de travail en devient très importante, et il faut apprendre à décliner les invitations ! »

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Christine Maigne

Professeure à l’Ensaama Olivier de Serres et artiste plasticienne

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Elise Lorenceau

Directrice de recherche CNRS au LIPhy

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Patricia Bouyer-Decitre

Directrice de recherche au CNRS et Directrice adjointe du LSV

Choix, carrières et stéréotypes

A différentes périodes de leur carrière, les femmes peuvent connaître des avantages liés à leur genre.
Elise Lorenceau analyse son parcours  « Etre une femme dans une discipline (la mécanique et la physique pour moi) où celles-ci sont sous-représentées m’a plutôt aidée dans ma carrière. Je pense que plusieurs fois cela a fait pencher la balance du bon côté : à dossier égal, on se souvient mieux d’une femme que d’un homme si celles-ci sont en minorité et consciemment ou pas, cela peut influencer un jury ».

Cependant, elles peuvent aussi rencontrer des freins dans leur carrière, notamment liés à la maternité.
Christine Maigne se confie « Comme dans tous les domaines, la maternité marque un cap critique mais d’une façon plus singulière dans le milieu artistique. J’ai souvent choisi de taire le fait que j’avais des enfants ou en tout cas de ne pas en faire état car je sentais que cela ne jouerait pas en ma faveur ».

Il est également à noter que la place des femmes reste trop faible aujourd’hui dans les filières scientifiques et technologiques en raison de stéréotypes persistants.  La mixité des filières scientifiques est un réel enjeu de société.

Patricia Bouyer-Decitre insiste « L'égalité femmes/hommes ne pourra pas se faire dans mon domaine sans une incitation plus importante des filles à s'engager dans des études scientifiques, et ce dès le collège ou le lycée. L'image de l'informatique est très faussée par l'image de "geek" que l'on se fait de l'informaticien.
D'ailleurs, je ne voulais pas faire d'informatique en arrivant à l'ENS Cachan. Mais cette mauvaise image a été rectifiée par l'enseignement que j'y ai reçu. Cela pose naturellement la problématique de l'enseignement de l'informatique en tant que discipline tôt dans la scolarité ».